Je me souviens qu’un jour, nous avons ourlé des draps pour le berger. Il y en avait plusieurs dans la région, mais quand nous disions « le berger », nous parlions de Michel...
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Je me souviens qu’un jour, nous avons ourlé des draps pour le berger. Il y en avait plusieurs dans la région, mais quand nous disions « le berger », nous parlions de Michel.
Des draps pour un berger, voilà qui sortait de l’ordinaire. Ils sont censés dormir sur une paillasse, des fougères ou un lit de camp tressé. Mais apparemment, celui-ci avait un vrai lit. Et donc, une maison. On racontait qu’il possédait son propre troupeau de moutons, et qu’il attendait de pouvoir se marier avec l’une d’entre nous, moi ou Colombe. La rumeur circulait au village, on nous taquinait parfois à ce sujet. Camille disait que c’était n’importe quoi et qu’il ne fallait pas y prêter attention. Elle refusait même que nous l’évoquions. Cependant, Colombe et moi en parlions quand même.
« Tu n’auras qu’à l’épouser, toi », a-t-elle dit un jour.
« Tu es folle, ai-je répondu, je ne me marierai jamais ! »
« Si tu ne te maries pas, tu ne pourras pas avoir d’enfants ! » a rétorqué Colombe. Elle aimait ses deux sœurs et son frère. Moi aussi, j’avais beaucoup d’affection pour eux. J’adorais jouer à la maîtresse avec eux et Colombe.
Plus tard, le berger est venu chercher ses draps. Ils étaient en toile de lin robuste. Nous avions cousu un ourlet tout simple, il n’avait pas besoin de broderies ou de dentelle.
Colombe et moi avons entendu le berger entrer, nous avons patienté dans la cuisine. Nous nous demandions ce dont ils pouvaient bien discuter.
« Il vient demander ta main », ai-je dit.
Colombe m’a donné une bourrade.
« Tu es folle ! » s’est-elle exclamée. C’était absurde, en effet. Nous n’avions que douze ou treize ans. Cependant, cette pensée ne m’a plus lâchée. L’idée que le berger allait venir chercher l’une de nous planait comme une ombre au-dessus de nos maisons.
Camille a refusé de nous raconter de quoi le berger lui avait parlé. « Il est venu payer », a-t-elle dit. Nous avons dû nous contenter de cette explication.
Ma mère ne voulait pas non plus entendre parler de la rumeur. Et je ne devais à aucun prix l’évoquer en présence de mon père. Je lui ai tout de même dit que je ne me marierais jamais.
« Tant mieux, a-t-il répondu, nous allons encore avoir bien besoin de toi. »
Ma mère a secoué la tête. Elle pensait que ça finirait par me passer.
Ça ne m’est jamais passé.